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France-Une bataille des chiffres décisive autour de la réforme des retraites
information fournie par Reuters 18/02/2025 à 16:02

par Leigh Thomas

A quelle hauteur s'élève le déficit du système des retraites en France ? De la réponse à cette question dépend le succès des négociations qui doivent s'ouvrir entre partenaires sociaux sur la réforme controversée des retraites de 2023 - avec le risque de plonger le gouvernement dans une nouvelle crise.

La Cour des comptes rendra jeudi un audit très attendu sur l'état financier du système de retraites qui doit trancher la bataille de chiffres autour du déficit et servir de base aux négociations des partenaires sociaux sur une "amélioration" de la réforme adoptée dans la douleur il y a deux ans.

Dans le cadre des négociations sur le budget 2025, François Bayrou a accepté de "remettre en chantier" la réforme des retraites de 2023, qui porte progressivement l'âge de départ à la retraite à 64 ans, dans le cadre d'un "conclave" réunissant les partenaires sociaux pour trouver "un accord d'équilibre et de meilleure justice".

Le Conseil d'orientation des retraites (COR), qui fait référence sur le financement du système français, estime à six milliards d'euros le "trou" financier.

Mais le Premier ministre François Bayrou retient un chiffrage différent : il prend en compte les surcotisations versées par les collectivités publiques et l'Etat sur les pensions des fonctionnaires ainsi que les subventions allouées pour équilibrer le système de financement des retraites. Ce qui comble de façon artificielle un déficit estimé selon lui à quelques 45 milliards d'euros !

Le verdict de la Cour des comptes est donc décisif pour les négociations à venir.

Si l'instance retient l'interprétation de François Bayrou sur le déficit, cela limitera largement les marges de manoeuvre pour amender la réforme de 2023, notamment en revenant sur l'âge de départ à 64 ans.

A l'inverse, si la Cour des comptes opte pour les chiffres avancés par le COR, les pressions devraient être fortes pour faire bouger cet âge de départ, qui était déjà un point de crispation des discussions en 2023.

Pour Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l'institut Harris Interactive France, le risque de nouvelles turbulences politiques sur les retraites n'est pas exclu.

"La gauche va tout faire pour faire en sorte que le conclave ne soit pas conclusif et avoir une crise politique", estime-t-il.

De son côté, la CFDT a d'ores et déjà menacé de ne pas prendre part au conclave si l'hypothèse d'un déficit de 45 milliards d'euros était retenue.

"Ce sera sans nous parce que c'est une présentation fausse de l'état financier du régime des retraites", a prévenu la secrétaire générale du syndicat Marylise Léon sur franceinfo plus tôt ce mois-ci.

Sans compter les réserves du Medef, le syndicat patronal, qui a déjà estimé qu'ouvrir le chantier de la réforme des retraites était "une erreur".

ENJEUX ÉLEVÉS

Pour François Bayrou, qui a déjà survécu à cinq motions de censure, les enjeux sont élevés.

Il a concédé plusieurs milliards d'euros pour faire adopter les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale pour 2025, là où le précédent gouvernement de Michel Barnier a chuté.

Investisseurs, agences de notation et partenaires européens de Paris, inquiets de la forte détérioration des finances publiques françaises ces deux dernières années, suivront les négociations sur les retraites de près.

"Ce sera une discussion extrêmement compliquée compte tenu des contraintes sociales, financières et politiques", indique à Reuters Olivier Chemla, responsable du crédit chez Moody's.

"Tout changement détériorant ou réduisant la viabilité budgétaire serait négatif pour la note de crédit", prévient-il.

Outre la question épineuse de l'âge légal de départ à la retraite, un débat tout aussi sensible sur le système de répartition pourrait intervenir.

Dans le principe, les cotisations salariales des actifs financent le paiement des pensions de retraites. Mais en réalité, ces cotisations ne couvrent qu'une partie du financement.

"Notre régime n'est plus vraiment de répartition. Ça veut dire que c'est un régime deux tiers assurantiel et un tiers subventionné par l'État", observe auprès de Reuters le député et ancien ministre des Finances, Antoine Armand.

"Une des solutions pourrait être qu'un deuxième étage soit financé par capitalisation pour qu'il y ait une partie qui puisse être assurée par soi-même".

François Bayrou a fixé à fin mai la date pour parvenir à un accord éventuel sur les retraites à l'issue d'une conversation "sans tabou". Mais même sans "accord général" des partenaires sociaux, le chef du gouvernement a promis de présenter au Parlement un projet de loi pour modifier la réforme des retraites de 2023.

De quoi augurer de nouveaux débats houleux dans une Assemblée nationale fragmentée, où le gouvernement continue de jouer sa survie.

(Version française Blandine Hénault, édité par Kate Entringer)

3 commentaires

  • 18 février 17:57

    géocor : le diable est dans les détails . l'état français aujourd'hui ne verse pas de cotisations retraite sur les primes des fonctionnaires ; Si on "égalise" les règles il faudra aussi que l'Etat cotise sur ces primes ... comme les entreprises du privé !


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